- Assey... commença le vieil homme, mais le jeune homme s'était déjà installé dans le sofa en face de sa chaise de bureau. Bon, commençons. Pourquoi êtes-vous venu me voir ?
- Pour faire chier mes parents. Ils aiment pas les gens dans votre genre, ils disent que vous faîtes que dire des conneries pour nous sucrer de l'argent. Je pense pareil, les psy j'en ai rien à foutre mais si je peux les faire chier je le fais.
Le psychologue soupira. Il en avait déjà vu passer des jeunes dans ce genre, et il savait très bien qu'ils venaient là pour déballer tout ce qu'ils avaient sur le coeur ne pouvant le faire autrement. Il soupira discrètement et demanda :
- J'en suis sûr qu'il y a une raison autre que celle-ci pour votre présence ici. Dites moi tout.
- Je hais cette ville et ses habitants.
La phrase avait claqué comme une barrière à toute discussion, mais le vieil homme avait vu pire et continua :
- Expliquez moi donc votre pensée.
Ethàn leva les yeux au ciel en signe d’agacement devant les questions du psychologue. Mais bon, il n'était pas venu ici pour rien, il avait besoin de parler.
- Il n'y a rien à expliquer, je supporte pas cette ville. Je m'y sens pas à ma place.
Le psychologue s'acharna, il avait en face de lui quelqu'un de fermé et de pas très bavard mais il allait lui arracher les vers du nez, c'était son boulot après tout.
- Parlez, dites moi les raisons. Ça n'est pas comme ça, parce que vous l'avez décidé. Il y a bien des choses qui vous insupportent ici, alors expliquez moi.
- Mais ça pue le bonheur, et la joie de vivre à chaque coin de rue. On dirait que tout le monde il est beau tout le monde il est gentil. Personnellement moi ça m’exaspère. On dirait que les gens ici ne connaissent pas la vraie vie. C'est pas le bonheur H24, bien au contraire. Alors moi tout cet amour, toute cette bonne humeur ça me donne la nausée.
- Mais pourquoi ? La plupart des gens aiment et recherchent le bonheur pourquoi pas vous ?
- Parce que j'ai pas connu le bonheur. Je ne le connaitrais pas. Alors voir tout ces gens autour de moi heureux, ça me donne envie de me tailler les veines vous voyez ?
- Ne dites pas ça, vos parents seraient anéantis de vous perdre.
Le jeune bouclé partit dans un rire, forcé, sans joie.
- Oula, non, bien au contraire vous voyez. C'est eux qui me donnent envie de mettre fin à mes jours. Grâce à mon adorable père, je ne connais plus la douleur.
Ethàn souleva son t-shirt, tout tremblant, retenant ses larmes de honte, tristesse et rage. Il n'avait jamais montré ces marques à personne, mais il savait que l'homme était tenu au secret professionnel. Le vieil homme ne put s'empêcher d’écarquiller les yeux quelques secondes avant de reprendre son expression neutre. Des enfants battus, il n'en avait jamais vu. Voyant le mal-aise du jeune garçon, le psychologue décida d'éviter ce sujet, il en parlerait peut-être plus tard dans les séances prochaines.
- Vous avez bien des amis ?
- Aucun.
- Comment ça se fait ?
- Je vous ai dit que j'aimais pas cette ville et ses habitants. Ca serait hypocrite d'avoir des amis que je n'aime pas nan ? Mon seul objectif est de bosser dur pour décrocher un bon job loin de cette ville et de mes parents. Le reste, peu m'importe, j'en ai vraiment rien à foutre.
- A la façon dont vous insistez sur le faite que peu vous importe, montre que quelque chose vous rattache ici.
- Je ne vois pas de quoi vous parlez.
- Je pense que si. Dites moi, vous avez rencontré quelqu'un ?
- Pas vraiment en fait. Il est venu à ma rencontre. Genre avec ses cookies et tout, le sourire et tout le tralala. Et bizarrement avec lui, ça ne m'a pas donné la nausée, au contraire j'ai trouvé ça adorable. Seulement, je ne veux pas m'attacher, je ne veux pas qu'on devienne potes. Pourtant lui s'acharne, il continue, alors je me fais de plus en plus méchant avec lui, de plus en plus dur; mais j'ai l'impression qu'il comprend pas.
- Mais pourquoi le repousser ? Qu'est-ce qui vous fait peur ?
- Lui, l'influence qu'il peut avoir sur moi. Je ne le connais pas, on s'est parlé trois fois et pourtant il arrive à me changer et je ne veux pas.
- Vous l'aimez ?
- Hahaha. C'est mon voisin, je l'ai connu il y a à peine 2 mois. Puis vous insinuez quoi ? Que je suis gay ?
- Je n'insinue rien du tout. Je veux juste vous aider à ouvrir les yeux, et à essayer de comprendre. Au vu de ce que vous me racontez, vous ressentez quelque chose envers ce garçon n'est-ce pas ?
- Que des conneries. Je savais que c'était pas une bonne idée de venir ici.
Ethàn se leva, et sortit de la pièce avant que le psychologue n'ait pu faire un quelconque geste. Ah .. Il avait touché un point sensible.