« Il était une fois, dans le lointain pays du coté ou le soleil se lève, une veuve qui avait un fils du nom d'Aladdin. Ils étaient très pauvres, et pendant que sa mère s'éreintait au travail, Aladdin passait son temps à vagabonder avec les enfants de son âge.- C’est un méchant ?- Non, bien sûr que non ma chérie !- Mais t’as dis que c’était pas bien de voler.- C’est vrai. Et ne t’avises jamais de le faire. »La petite brune plissa les yeux. Cet Aladdin était tellement contradictoire. D’abord il était pauvre et volait pour vivre, ce qui était quelque chose de nécessaire bien sûr si l’on tenait compte de sa situation précaire. Mais en plus de cela, malgré les sermons que l’on servait aux enfants sur l’honnêteté et la droiture à adopter en société, ce charmant garçon se trouvait de surcroit du côté des gentils ? Allez savoir. Jasmine balança sa tête à l’arrière et s’échoua avec délicatesse sur son oreiller en remontant sa couverture à ses épaules.
« Continue. » Jasmine adorait les contes. Toutes ces histoires de princesses, de fées magiques et de mondes imaginaires la laissaient rêveuse. Elle aurait d’ailleurs juré à son père, certains matins, se retrouvé transportée au beau milieu de contes pendant son sommeil. Mais ça bien sûr, vous comme moi savez que cela est tout bonnement… impossible.
La dernière page du livre se tourna et les derniers mots défilèrent. Après un suspens de longue haleine, tout est bien qui termine finalement bien. N’est-ce pas le but d’une histoire d’ailleurs ? Des étoiles dans les yeux et de la poussière de fée plein la tête ! Des contes, Jasmine pouvait en écouter des dizaines et des dizaines. Elle adorait ça. Pourtant ce n’était pas les histoires d’amour bateau qui plaisait à Jasmine. Elle se fichait bien que Cendrillon chausse son escarpin de verre ou qu’Aurore se réveille après le baiser du prince. Jasmine, elle, aimait les aventures traversées par les personnages. Tarzan glissant de tronc en tronc et voltigeant de liane en liane, Peter tournoyant sans embrouille dans le ciel de Londres et Pocahontas se laissant porter par la nature et sa seule conscience. Son père lui avait toujours dit qu'elle avait un fort caractère, quelque chose qu'elle tenait sans hésitation de sa mère ! Sa mère... encore aujourd'hui Jasmine ressent un pincement au coeur lorsqu'elle en parle. Elle ne s'en souvient que très peu, elle devait avoir quatre ou cinq ans, pas plus, lorsqu'un cancer l'avait emporté haut, très haut dans le ciel.
« Elle veille sur toi de tout là-haut tout comme je peux veiller sur toi ici. » répétait sans cesse le père de famille qui s'efforçait de garder la face pour sa fille. Alors lorsqu'elle se sent patraque et que plus rien ne va, Jasmine sert fort dans sa main son collier orné d'un saphir dans sa paume et se pose à sa fenêtre avec un lait chaud à la cannelle. Parce que c'est ce que maman faisait quand tu n'arrivais pas à dormir.
« Il est temps de se coucher ma chérie, il y a école demain.
- Oh je t'ai pas dis, avec Raj on a décidé de plus aller à l'école. C'est trop tôt et puis il a de nouveaux feutres qui sentent bon comme les fruits. T'es d'accord ?
- Laisse-moi réfléchir hm... on en reparlera demain quand tu rentreras de l'école.
- C'est trop nul... bonne nuit papa.
- Bonne nuit princesse. »* * *
La jeune brune laissait glisser sa brosse dans sa longue chevelure, confortablement installée face au miroir de sa coiffeuse. Il était tard et les étoiles filaient déjà à toute allure dans le ciel. D'après elle, son père était déjà couché car cela faisait une bonne demi-heure qu'il n'était pas monté voir ce que sa fille faisait. Certains trouveraient ça complètement ahurissant, cette manière qu'il avait de la couver et de la protéger comme si d'une seconde à l'autre elle pouvait se briser. Mais il fallait savoir que le petit homme ne s'était jamais remis de la perte de sa femme et que sa fille, étant son portrait craché et la prunelle de ses yeux à présent, était au centre de ses attentions en même temps qu'il régnait d'une main de fer sur ses entreprises de raffineries pétrolières orientales.
Toutes les lumières étaient éteintes exceptées celles de la chambre de Jasmine. Le son de la chaîne stéréo était faible, presque inaudible pour ne déranger personne et surtout pas le courroux craintif de son père. Et soudainement, un bruit à la fenêtre. Jasmine sauta de son siège aux aguets, constatant très rapidement que même son chat disposé tel un pacha sur son lit s'était arrêté de bouger et avait relevé sa tête. Les secondes défilaient et rien d'anormal ne semblait se passer, et Jasmine décida de défaire ses draps pour s'y glisser rapidement au chaud. Au même moment, alors qu'elle s'apprêtait à fermer ses rideaux, une ombre se dessina derrière la vitre parfaitement lustrée, laissant deviner une tête au travers de celle-ci. D'abord prise de panique et cherchant le moindre objet pour assommer ce malfrat, le visage de Jasmine changea très rapidement lorsqu'elle reconnu la personne. A grandes enjambées elle couru ouvrir sa fenêtre.
« Qu'est-ce que tu fiches ici, Ali ? » Le garçon s'accrochait à la paroi de la maison avec beaucoup d'agilité, allez savoir comment il arrivait même à tenir !
« Salut princesse, toujours aussi aimable. » « Arrête de m'appeler comme ça, idiot. » Elle le foudroya du regard mais un sourire en coin trahissait pourtant le plaisir qu'elle avait à le voir aux portes de sa chambre.
« Tu m'invites à rentrer ou je dois te supplier ? » Il n'attendit même pas une quelconque réponse et enjamba le muret de la lucarne en se frottant les mains.
« Sympa ton pyjama mais rassure-moi, tu comptais pas sortir comme ça ? » Jasmine cru déceler un sourire frisant le voyeurisme chez son ami et couvrit sa tenue légère d'un déshabillé bleu.
« Sortir ? Qui t'a dis que je sortais quelque part ? En plus avec toi. » Elle ramena ses cheveux sur le devant de son épaule, quelque chose de trop capricieux et royal dans sa voix.
« C'est vrai que c'est tellement mieux de rester ici comme la parfaite fille sage que tu es. » Ali 1 - 0 Jasmine.
« Si mon père te trouve ici tu peux dire adieu à ta vie. » la défia-t-elle du regard en désignant la porte de sa chambre.
« Alors dépêche-toi de et préparer dans ce cas. » Il avait ce sourire contenté qui énervait Jasmine autant qu'il la rendait folle. Elle se dirigea vers son dressing et se prépara en vitesse dans sa salle de bain. Fin prête, elle en sortit pour trouver Ali ne nez dans plein dans ses tiroirs. Elle les referma brusquement, il se redressa et frôla de son souffle subitement coupé la peau fraîche de Jasmine.
« T'es irrécupérable. » Elle arqua un sourcil, ne fléchissant pas malgré leur proximité.
« T'es canon. Peut-être un peu moins que dans ton petit pyjama mais... » Elle frappa son épaule de toute ses forces ce qui le fit plus rire que mal.
« On va où ? » Ali était déjà passé par la fenêtre, à croire qu'il avait fait ça toute sa vie.
« Suis-moi. » Enigmatique. La brune s'arrêta immédiatement et le regarda fixement, attendant une réponse.
« Allez quoi. Tu me fais confiance ? » Il lui proposait sa main pour l'aider à descendre. Un dernier regard vers la porte de sa chambre et Jasmine se précipita vers son lit. Elle plaça des oreillers sous sa couverture et éteignit la lumière. Finalement, elle se saisit de la main du jeune homme sans broncher, le sourire de l'interdit gravé sur ses lèvres.
* * *
« (...) non mais tu te rends compte ? Qu'est-ce qu'il t'a prit de sauter par la fenêtre, en pleine nuit ? Tu as pensé à tout ce qui aurait pu arriver ? La nuit c'est très dangereux Jasmine ! » Une pomme à moitié croquée dans une main, Jasmin vint taper son front sur le plan de travail de la cuisine. Dix minutes qu'elle écoutait le discours de son père qui la réprimait pour avoir fait le mur la nuit dernière. Tu parles, elle était rentrée comme d'habitude par sa fenêtre et son pieds avait dérapé sur le lierre grimpant, griffant ses chevilles et la laissant s'échouer au sol comme une sac plastique porté par le vent. Alerté par le bruit, le père de famille sort en trombe dans l'allée et découvre sa fille les quatre fers en l'air, maquillée et habillée comme si elle rentrait d'une soirée folle. Il devait être aux alentours de deux ou trois heures du matin, de quoi le mettre bien en rogne au petit matin.
« Jasmine, tu m'entends ? » Oui papa, bien sûr. Tu cries depuis tout à l'heure et ton café a dû refroidir depuis le temps que tu tartines le même toast en boucle. La principale intéressée ne répondit pas, relevant la tête et acquiesça faiblement en buvant une gorgée de son cappuccino à la noisette.
« C'est ce garçon qui a une mauvaise influence sur toi ! » Elle faillit lâcher sa tasse et se leva tellement cette phrase lui semblait injuste.
« Arrête de dire ça, tu ne le connais même pas ! » Depuis que son père avait appris par le voisinage que sa fille fréquentait celui qui était considéré comme ‘le voyou du coin’, il s'était mis en guerre contre sa fille pour la remettre dans le droit chemin.
« Il profite de toi mais tu ne vois rien parce que tu es trop aveuglée par son sourire faux ! Il se sert de toi, de ton statut et de ton image. C'est un vaurien, un pauvre gamin des rues ! Tu mérites tellement mieux, un garçon fiable et de bonne famille et... » « ...et riche ? C'est ça que tu allais dire, je me trompe ? » pesta la brunette, hors d'elle.
« Un garçon BIEN, voilà ce que j'allais dire ! » Jasmine soupira devant l'absurdité des propos de son paternel. Un garçon bien, selon lui, était riche, snob et tout dans la superficialité. Il devait couvrir sa fille de cadeaux, lui plaire avant tout et être un homme de confiance pour succéder à l'Empire familial que lui et ses ancêtres avaient bâti. Vous savez, ces raffineries de pétroles au Proche et Moyen-Orient valant de l'or ? La famille Al-Nahyan était l'heureuse propriétaire de certaines d'entre elle. Voilà pourquoi dans ses relations amoureuses, Jasmine avait du choix dans les beaux quartiers. Mais elle n'était pas dans cette excitation du luxe et du clinquant. Elle ne jugeait pas non plus les gens sur la première apparence et quelqu'un qui lui semblait sympathique, pauvre ou riche, avait des chances de retenir son attention.
« T'as pas le droit de décider pour moi. Je fais ce que je veux. » le provoqua-t-elle en fixant l'eau qui gouttait du robinet de l'évier. Ces quelques mots mirent son père hors de lui. Il leva son poing si haut et le frappa si fort sur la table que celle-ci vibra et emporta la tasse de Jasmine qui se renversa.
« Ecoute-moi bien Jasmine Zahra Al-Nahyan ! Je te défends de revoir ce garçon et te l'interdit, c'est compris ? » Elle déglutit difficilement, la gorge littéralement serrée, la mâchoire crispée et les poings resserrés autour des lanières de son sac de cours. Pas un regard ni même un mot elle enfila sa veste et quitta la cuisine pour se rendre en cours. Elle claqua la porte et passa à côté du chauffeur mis à sa disposition par son père pour l'amener au lycée. Elle avait besoin de marcher et de se changer les idées.
« La princesse marche ? J'y crois pas, c'est de l'inédit ! » Ali. Il remonta à hauteur de Jasmine, remarquant qu'elle n'avait aucune réaction et l'arrêta un instant.
« Hé, quelque chose ne va pas ? Je voulais pas te froisser, tu sais. » Jasmine leva les yeux vers lui et il ne lui fallaut pas plus de temps pour craquer et feindre un sourire aussi minime soit-il.
« Mon père est un idiot. » lâcha-t-elle en replaçant quelques mèches derrière ses oreilles.
« J'osais pas le dire mais puisque tu insistes... qu'est-ce qu'il s'est passé ? » Il lui attrapa le poignet en riant et la tira pour se remettre en marche vers l'établissement scolaire.
« Oh, trois fois rien... dis tu m'avais parlé d'une fête foraine derrière chez toi la semaine dernière. C'est le dernier jour, c'est bien ça ? » Un regard complice, ils rebroussèrent chemin, jetèrent leurs sacs de cours derrière une barrière bien cachée et se mirent à courir jusqu'à la fête foraine ambulante. Au pire, ce n'était qu'une absence qui montrerait à son père son désaccord. Elle n'avait pas son mot à dire, peut-être, mais son père ne pouvait pas régir ses moindres faits et gestes lorsqu'il s'agissait de se rendre à l'école.